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L’US Navy se déploie

Désireux de faire face à la montée en puissance des gouvernements de gauche dans leur arrière-cour, les États-Unis recréent la IVe Flotte.

C’est désormais officiel : le Pentagone va ressusciter sa IVe Flotte, avec pour mission de patrouiller dans les eaux latino-américaines et des Caraïbes. Créée pendant la Seconde Guerre mondiale pour protéger le trafic dans l’Atlantique Sud, la structure a été dissoute en 1950. «En rétablissant la IVe Flotte, nous reconnaissons l’immense importance de la sécurité maritime dans cette région», a déclaré l’amiral Gary Roughead, chef des opérations navales du Pentagone.

Basée à Mayport, en Floride, la flotte travaillera sous la double tutelle de la marine américaine et du commandement Sud de l’armée, chargé de l’Amérique du Sud et des Caraïbes. Elle sera commandée par le vice-amiral Joseph Kernan et devrait disposer d’un porte-avions nucléaire.

Pour Alejandro Sanchez, analyste au Council on Hemispheric Affairs, un centre d’études sur l’Amérique latine établi à Washington, «le rétablissement de la IVe Flotte est plus un geste politique que militaire, destiné à faire face à la montée en puissance des gouvernements de gauche dans la région». Le Pentagone ne prend pas la peine de camoufler ses intentions : «le message est clair : que cela plaise ou non aux gouvernements locaux, les États-Unis sont de retour après la guerre d’Irak», explique Sanchez.

«Nouvelles menaces»

De fait, l’influence militaire de Washington a considérablement diminué dans la région depuis le 11 septembre 2001 et le lancement de la «guerre contre le terrorisme». Concentré sur l’arc de crise au Moyen-Orient, le Pentagone n’a pas prêté attention aux bouleversements politiques dans son arrière-cour. Les gouvernements de gauche, désormais largement majoritaires en Amérique latine, reprochent aux États-Unis le soutien qu’ils ont apporté aux dictatures qui ont régné pendant plusieurs décennies et aux politiques ultralibérales qu’elles ont appliquées.

Alors que Washington assure que son seul intérêt dans la région est de combattre les «nouvelles menaces» (terrorisme, trafic de drogue et gangs de maras en Amérique centrale), les populations latino-américaines y voient souvent la poursuite d’intérêts «impérialistes» dictés par les besoins en énergie. Les tensions entre Washington et les présidents radicaux des principaux pays producteurs de pétrole et de gaz du sous-continent (Venezuela, Équateur et Bolivie) accentuent cette perception.

En signe de défiance, pratiquement tous les pays latino-américains ont refusé de signer l’American Serviceman Protection Act, un traité qui empêche de poursuivre en justice les soldats américains pour les crimes commis à l’étranger.

Le projet d’installer une base militaire au Paraguay, à proximité des gisements de gaz bolivien, a été dénoncé par le Brésil et l’Argentine. L’Équateur a fait savoir que la base militaire américaine installée à Manta jusqu’en 2009 n’aurait pas droit à un renouvellement de son mandat. Pire, le président brésilien, Luiz Inacio Lula da Silva, a relancé l’idée d’un Conseil régional de défense d’Amérique du Sud, excluant explicitement toute intervention américaine.

La mise à l’écart de Washington intervient au moment où surgissent de nouveaux foyers de conflits dans la région, comme par exemple entre la Colombie d’un côté, l’Équateur et le Venezuela de l’autre, ou entre la Bolivie et le Chili à propos de l’accès à la mer. Une course aux armements est en cours dans la région, où les États profitent de la reprise économique pour rééquiper leurs armées laissées à l’abandon depuis les années 1970.

Les fabricants d’armes américains ne sont plus les seuls sur le marché : certains pays européens, mais surtout la Chine, la Russie et l’Iran, cherchent à prendre pied dans une région qui les attire aussi pour son potentiel en ressources naturelles et énergétiques.