L’impact de la Déforestation dans le Chaco Paraguayen
Article écrit par Erika Quinteros, Analyste au Conseil des Affaires Hémisphérique
Traduit par Tobias Fontecilla, Analyste au Conseil des Affaires Hémisphérique, édité par Cécile Ponthieux.
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“Dans un premier temps, ils furent éjectés de leurs terres, puis au fil des années, la déforestation massive de leur habitat a eu pour effet la quasi total destruction de la faune et la flore présente, qui dans leur ensemble sont les moyens de subsistance traditionnels nécessaires à leur survie”. Marilin Rehnfeld
En Janvier de cette année, le gouvernement du Paraguay a rendu au peuple Xákmok Kásek 72 pourcents de ses terres ancestrales. L’ethnie Sanapaná qui fut, il y a trente ans de ça, expulsée par des compagnies agricoles, a subi pendant ces longues années les ravages d’une pauvreté extrême. Plusieurs de ses membres, notamment des enfants, sont morts suite à la précarisation de leur situation ; délogés et oubliés par l’Etat. Ce conflit n’est qu’un exemple parmi tant d’autres qui existent dans la région du Grand Chaco.
Qu’est-ce que le Grand Chaco ?
Le Grand Chaco est la deuxième plus grande forêt de l’hémisphère ouest. Ses caractéristiques géographiques font d’elle une des régions les plus diverses du continent. En son sein, des milliers d’espèces de plantes et d’animaux y vivent, ainsi qu’un nombre incalculable de communautés indigènes, comme les Wichí, Ayoreo, Qom, Sanapaná pour en citer quelques-uns. Le territoire du Grand Chaco est lui-même divisé entre le Paraguay (27 pourcents), l’Argentine (61 pourcents), le Brésil (1 pourcent), et la Bolivie (11 pourcents). Au Paraguay, le Chaco, aussi connue localement sous le nom de Région Occidentale, recouvre 60 pourcents du territoire mais ne contient que seulement 2 pourcents de sa population totale. Néanmoins, la population locale est sans équivoque la plus riche socioculturellement parlant. Certaines communautés choisissent une isolation totale, tel est le cas pour les Ayoreo-Totobiegosode, ainsi que les Mennonites qui virent leurs ancêtres investir cette région il y a plus de 90 ans, sans oublier les “Brasiguayos”, descendants d’immigrants Brésiliens, et une multitudes d’autres petits groupes.
Les groupes indigènes face aux larges Les larges multinationales agricoles et fermières
Le Paraguay a le sixième plus grand taux de déforestation au monde, et le Chaco en est la principale victime. Plusieurs experts ont mis au grand jour une causalité directe entre l’implantation de multinationales agricoles et les pratiques de déforestation abusive dans la province du Chaco. “Cela nous blesse de voir autant de terres déjà détruites ici. Je me rappelle, avant d’être forcé de quitter la forêt, que nous avions l’habitude de chercher des lopins de terres vierges pour y trouver refuge.” se lamente un membre de la communauté Ayoreo. Le Paraguay est aussi le sixième producteur de viande bovine au monde. Les compagnies Carlos Casado S.A. et Yaguareté Porã S.A. sont propriétaires d’énormes étendues de terres dédiées à l’élevage et à la plantation de soja ainsi que d’autres monocultures qui servent à l’alimentation du bétail. Le soja est la principale plante cultivée par l’industrie agroalimentaire du fait de son coût relativement bas. Les communautés indigènes se sont battues, et cela depuis de nombreuses années, contre ces fermes en dénonçant l’abattement illégal de nombreux arbres, chose fréquente dans le Chaco. Survival International, une ONG qui milite pour le droit des peuples indigènes, a aussi dénoncé ces pratiques illégales, en signalant que ces compagnies, non contentes des parcelles sous leurs contrôle, ont entamée, et cela depuis fort longtemps, une expansion illégale de leur propriété privée ; ce qui, par conséquent, menace le bien-être des communautés indigènes vivant aux alentours. De plus, les traces laissées par la machinerie lourde ont été découvertes sur des terres occupées par des communautés aillant choisit de vivre à l’écart de la société paraguayenne. « Je dis toujours aux blancs qu’Eami signifie ‘Mère’ ; mère des Ayoreo. Quand on voit un bulldozer détruire notre forêt verdoyante, c’est comme s’il détruisait notre mère » nous confesse Mateo Sobode Chiquenoi, un membre de la communauté Ayoreo. « Les compagnies agricoles ont défraîchi les terres indigènes pendant des années et le gouvernement n’a jamais rien fait pour les en empêcher. Les Ayoreo, vivant encore en ermite pour certains, sont harcelés par ces mêmes engins, qui sans relâche continuent de détruire leur biotope. Parfois ces compagnies n’ont pas de licence environnementale. La commission Inter-Americaine a donné l’ordre au gouvernement Paraguayen d’arrêter la déforestation illégale, mais cette directive a été complètement ignorée. » nous prévient Sarina Kidd, une militante du groupe Latin America at Survival.
Les actions du gouvernement paraguayen
En 2004, le gouvernement de Nicanor Duarte approuva la loi Déforestation Zéro, cependant cette loi ne s’applique qu’aux régions orientales et non-au Chaco. Prenant en compte le fait que le Chaco abrite la plus grande concentration de forêt dans le pays, il est déplorable que cette loi ne la protège point. En attendant, Survival International a pétitionné l’Etat paraguayen de distribuer, avec plus de prudence, les licences environnementales ainsi que d’assurer le respect de celles-ci afin de pouvoir prévenir tout abus. En Février, Le Président Horacio Cartes et son gouvernement ont annoncé un programme de reboisement dans la région du Chaco. Bien qu’encourageante, cette initiative ne pourra pas néanmoins faire revivre une partie de l’écosystème qui a été perdu pour toujours, ni permettre de freiner l’évolution d’une déforestation abusive. D’autre part, depuis l’élection du nouveau gouvernement en 2013, les efforts ont été doublé dans l’optique de faire croitre l’exportation de viande bovine, ce qui a eu un effet dévastateur sur les forêts nationales, souvent irréversible ; démontrant un manque de volonté politique. L’Etat doit à tout prix, en amont du programme de reboisement, formuler des politiques de protection de l’environnement conjointement avec une amélioration des formulations de licence environnementale, avec pour but, de faciliter un meilleur suivi. Ensembles, ces mesures pourront prévenir la perte de la biodiversité du Chaco et soulager l’angoisse des communautés indigènes qui, malgré des années de conflit et de protestation, ne jouissent toujours pas du droit de souveraineté sur leurs terres ancestrales.
Article écrit par Erika Quinteros, Analyste au Conseil des Affaires Hémisphérique
Traduit par Tobias Fontecilla, Analyste au Conseil des Affaires Hémisphérique, édité par Cécile Ponthieux.