Les élections en Haïti débouchent sur une crise post-électorale
Écrit par Clément Doleac, Research Fellow au Conseil des Affaires Hémisphériques et Sabrina Hervé, contributeur invitée
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Synopsis
Une fois encore, une démocratie significative a été mise de côté en Haïti, en faisant prévaloir la stabilité de court terme.[1] Même si de nouvelles dates pour les élections ont été décidées en Janvier dernier, les conditions pour qu’elles soient justes et démocratiques n’ont pas été réunies. Après des mois de processus électoraux qui ont manqués de transparence, il est clair que ces récentes élections ont été marquées par le doute, et par les fraudes, ce qui ne conduira pas à plus de stabilité dans le pays. Au contraire, les conditions qui ont été créés ne vont qu’amplifier, et justifier, le rejet massif du système politique actuel corrompu.
Malheureusement, de nombreux observateurs internationaux, dont des journaux internationaux, ainsi que l’Organisation des Etats Américains (OEA) ont plutôt bien reçus les résultats électoraux, alors même que ces élections biaisées ont été marquées par de nombreuses irrégularités, ainsi que par le comportement autoritaire du président sortant Martelly, et ce depuis de nombreux mois. À plusieurs semaines du second tour prévu le 27 Décembre, ce schéma ne pourra que garantir une crise post-électorale de long terme.
Jusqu’à présent, cette stratégie politique perverse a très bien réussie à Martelly. Il a tout d’abord été élu président le 10 Mars 2011, dans des élections auxquelles n’a pas pu participer l’un des partis politiques les plus populaires, Fanmi Lavalas, fondé par l’ancien président Jean-Bertrand Aristide, en grande partie du fait d’interférences du Département d’Etat Américain et de l’OEA.[2] Du fait de ces interférences, et d’autres appuis extérieurs, il mène toujours le jeu. Il cherche désormais à imposer son agenda électoral, Martelly lui-même ayant choisi les autorités électorales sous la forme du Conseil Électoral Provisoire (CEP). Il va également contrôler le Parlement, et le candidat qu’il a lui-même choisit pour lui succéder, Jovenel Moïse, du Parti Haitien Tèt Kale (PHTK), est le candidat le mieux placé pour remporter le second tour, prévu le 27 Décembre. La démocratie est toujours, cela va sans dire, en péril.[3]
Une chaine d’évènements annonçant des élections biaisées
Cette situation n’est en rien une surprise. Les décrets posant le cadre légal du processus électoral et la composition du Conseil Électoral Provisoire (CEP) d’Haïti, a été principalement écrit et choisi par le pouvoir exécutif haïtien, représenté par le Président Martelly, après avoir en premier lieu dissolu le Parlement, du fait de la terminaison du mandat des deux tiers du Senat, et de l’absence d’élections pour le renouveler, ce qui signifiait l’impossibilité pour le Congrès de fonctionner.[4]
Cette imposition de l’exécutif a eu lieu après que le Président ai bloqué différentes tentatives faites par le congrès contrôlé par l’opposition pour passer ses propres régulations électorales, et qu’il ait échoué à trouver un accord avec le parlement sur la composition du CEP (3 nominés par le Senat, 3 par la Chambre, et 3 par le Président) comme le souhaite l’ordre constitutionnel.[5] Le pouvoir exécutif a alors essayé de présenter le parlement comme sans volonté politique pour avancer vers des élections, préservant ainsi son pouvoir, une critique qui ne manque pas de fondement dans un pays où le paysage politique est très fragmenté, et ne compte qu’avec peu d’idéologie clairement lisible. Comme rapporté par l’International Crisis Group en février 2013, le manque de « clarté […] idéologique a rendu les citoyens incapables […] de choisir entre des plateformes politiques clairement déterminées » dans ce paysage politique fragmenté.[6] Le rapport poursuivait alors en affirmant que « plus de 100 partis et groupes politiques ont réussis à rassembler les 5,000 signatures nécessaires pour un enregistrement officiel. »[7] Ce pouvoir politique très diffus masque en partie le fait que le réel pouvoir réside entre les mains de quelques leaders très bien positionnés. En tant que tel, les partis politiques haïtiens ne sont pas capables de remplir des tâches très basiques, en ne réussissant pas à articuler, par exemple, des politiques publiques institutionnalisées, et de communiquer et convaincre les citoyens. Le pouvoir du Président Martelly n’a pas vraiment rencontré beaucoup de difficultés à devenir le pouvoir dominant dans un tel contexte.
Dans un contexte de blocage institutionnel, le 7 janvier 2015, le Président Martelly a alors participé à différentes réunions avec des parlementaires afin de pouvoir trouver un accord à propos de la composition du CEP et l’adoption d’une nouvelle loi électorale. Ces négociations se sont poursuivies pendant plus d’une semaine, et comme rapportée alors par Al Jazeera, le 12 janvier 2015 « à peine quelques heures avant que le pays célèbre le cinquième anniversaire du tremblement de terre qui a couté la vie de 300,000 personnes […] le président et quelques politiciens d’opposition ont pu s’accorder sur un accord de long terme, qui indique que des élections doivent avoir lieu avant la fin 2015, pour deux tiers du Senat et les députés, ainsi que pour le Président .»[8] Ce nouvel accord, qui ne contenait alors rien de fracassant n’était qu’un accord de plus d’une longue liste d’accords, qui n’a finalement fait que donner du grain à moudre aux médias, et qui était destiné à conduire à la crise post-électorale actuelle, épisode d’un blocage politique qui dure déjà depuis longtemps en Haïti.[9]
Le principal parti d’opposition en Haiti, Fanmi Lavalas, n’a pas été capable de participé aux élections de 2011, du fait de raisons administratives très questionnables et ce parti n’a même pas été partie prenante de ces discussions.[10] Ce nouvel accord n’était qu’un faible et fébrile compromis, qui a laissé le pouvoir exécutif faire le choix de la composition du CEP, des procédures électorales, ainsi que des dates des élections, alors même qu’il s’agissait de prérogatives du pouvoir législatif.[11] Cet accord du 11 janvier 2015 a été signé par 24 partis politiques, desquels 21 n’avaient pas de représentants élus au Parlement, illustrant son manque de légitimité : Le pouvoir exécutif a alors décidé, via décret les dates des élections, de son financement par des acteurs étrangers, et de la composition du CEP.[12] Le Président a donc, depuis près d’un an, continué à gouverner seul, sans Parlement, au travers de décrets.[13]
Le Parlement a bien essayé d’atteindre un quorum de votes le 11 janvier 2015, dans une dernière tentative pour légiférer et donc légaliser ces accords, avant la fin de son mandat. Pourtant, aucune majorité n’a pu être atteinte et le parlement haïtien a donc été par la suite considéré comme un corps politique non fonctionnel, avec trop peu de parlementaires légalement élus comme membres.[14] Seuls 10 sénateurs étaient alors légalement élus, ce qui ne représentait alors qu’un tiers des parlementaires du Senat (renouvelés par tiers).[15] Il y a un an, Sandra Honoré, la responsable de la Mission de l’ONU pour la Stabilisation en Haïti, la MINUSTAH expliquait alors que ce qui a poussé 6 sénateurs à s’unir et bloquer la loi électorale alors proposée par le pouvoir exécutif : « malgré les communiqués officiels du pouvoir exécutif en faveur de la tenue des élections aussitôt que possible […] il a intentionnellement retardé le processus électoral afin de s’assurer que le Parlement deviendrait non-fonctionnel .»[16]
Le parlement a donc été dissous et le nouveau Premier Ministre de facto, Paul Evans, menant ainsi la politique gouvernementale, alors même que sa nomination n’avait pas été ratifiée par le Parlement, comme la Constitution l’exige.[17] En conséquence, il était plus que compréhensible que la plupart des partis politiques, et des forces politiques d’opposition aient été très sceptiques en ce qui concerne l’indépendance du CEP, et de l’état de la démocratie dans leur pays.
Les résultats des élections du 25 Octobre : un manque de transparence et de nombreuses fraudes ont conduits à des résultats encore plus douteux
Après un an de processus politique condamné à l’échec, de l’imposition par le pouvoir exécutif d’une nouvelle loi électorale, et du choix de la composition du CEP, et après plusieurs jours d’un processus de contrôle des votes questionnable du 25 octobre 2015, les résultats du premier tour de l’élection présidentielle ont été annoncés le 5 novembre 2015.[18] Il est important ici de noter que cette série de fraudes a reçu le seau d’approbation du Core Group, qui comprend parmi ses membres les ambassadeurs du Brésil, du Canada, de l’Union Européenne, de la France, de l’Espagne et des Etats-Unis, ainsi que du Représentant Spécial de l’OEA.
Comme rapporté par le Center for Economic and Policy Research (CEPR), les résultats ont donnés pour vainqueurs du premier tour Jovenel Moises, le candidat du Parti Haïtien Tèt Kale (PHTK), le successeur désigné du Président Martelly, et Jude Célestin, le candidat du parti politique LAPEH (la paix), ouvrant la voie à un second tour qui se tiendra le 27 Décembre 2015. Le premier, aurait obtenu près de 33% des votes, alors que Jude Célestin, une figure important de l’opposition, qui a été « expulsé » du second tour par un recompte des voix peu crédibles mené par l’Organisation des Etats Américains (OEA) en 2011, n’a obtenu qu’un peu plus de 25% des votes.[19] (Jean Charles Moises est arrivé troisième avec 14% des voix, et la candidate de Fanmi Lavalas, Maryse Narcisse est arrivée en quatrième position avec 7% des voix.)[20]
Ce processus électoral a manqué de transparence ; de nombreux bulletins de votes ont été rejetés, et certains procès-verbaux n’ont pas été récupérés par le CEP, après le vote du 25 Octobre, pour un total de 2,2% des votes : c’est bien moins que les près de 18% des votes qui n’avaient pu être récupérées durant les élections d’Août dernier ; quand bien même il s’agit donc d’une amélioration, dans le Sud-est, la région dans laquelle Jude Célestin a reçu le plus de voix, presque 10% des votes n’ont pas été reçus.[21]
Le CEPR a également mis en avant que le CEP a également exclu du vote présidentiel près de 490 procès-verbaux, soit près de 3.6 % du total, du fait de fraudes, ou d’erreurs de fonctionnaires.[22] Il est également intriguant que les deux régions ou le PHTK est arrivé en tête, sont aussi les régions ou le nombre de bulletins placés en quarantaine sont le plus élevé : le Nord Est (9.8%), et le Nord-Ouest (6.4%).[23] Le CEPR a également expliqué que dans tous les cas, dans quelle région les plus gros problèmes ont eu lieu, lors du vote d’Octobre, car le CEP n’a pas proposé d’explications ni de détails sur les raisons de la mise en quarantaine.
Pendant des mois, le CEP a également inondé les partis politiques avec des passes, autorisant les délégués des partis politiques à être présent dans les centres de votes, afin de contrôler et d’assurer l’impartialité du processus électoral. Ces surveillants appelés des mandataires étaient jusqu’ici peu nombreux, mais cette fois ci, le CEP a distribué près d’1 million de passes, selon le président du Conseil, Pierre Louis Opont.[24] Ces mandataires, étaient cependant également autorisés à voter dans le centre de vote ou ils se trouvaient, à l’inverse des électeurs normaux, qui devaient voter dans le centre de vote de leurs lieux de résidence, avec un strict contrôle de leur identité, et de leur présence sur les listes électorales.[25] Le ridicule de cette distribution massive de passes est plus facilement compréhensible lorsque l’on compare leur nombre au total des votants : les observateurs électoraux représentaient autour de 25 à 30% des électeurs, c’est-à-dire que pour 1 millions de passes distribués, on comptait 1,5 millions d’électeurs additionnels ; près de la moitié des votes pourraient avoir été déposés par des mandataires. Cette situation a menée à de nombreuses irrégularités, comme l’a d’ailleurs relevé le CEPR.[26]
De plus, les 54 candidats présidentiels ont reçu 13,000 passes (soit 240 par candidats) leur permettant d’avoir des représentants dans tous les centres de votes du pays ; mais la plupart d’entre eux, comme indiqué par le CEPR ne disposait pas de la capacité ou des moyens financiers de les utiliser. Le résultat a été que les partis ont vendus ces passes à celui qui offrait le plus durant les jours précédents le vote. Des observateurs locaux ont ainsi affirmés que les passes étaient vendus près de 30 USD.[27] Dimanche, le jour du vote, il ne valait plus que quelques dollars. Ce manque de ressource est en fait dérivé des financements publics pour les partis politique, de 500 millions de gourdes haïtiennes pour les partis (à peu près 8.9 millions USD), un financement autorisé par Décret Electoral, une subvention qui a menée à bien des disputes en ce qui concernait sa distribution.[28]
Le seul membre du CEP qui a refusé de signer les résultats préliminaires, Jaccéus Joseph, a affirmé que le centre de comptage pouvait « avoir fait plus afin de répondre aux allégations de fraudes électorales, notamment en contrôlant les listes d’enregistrement électorale, par rapport aux votes déposés le 25 Octobre, et pour les élections législatives. »[29] Il a ainsi déclaré au Miami Herald qu’il avait « demandé au directeur du centre de comptage s’il avait eu suffisamment de temps pour vérifier soigneusement s’il y avait des fraudes », et le directeur de lui répondre qu’il ne disposait pas de suffisamment de temps.[30]
Jaccéus Joseph a également reconnu qu’il y avait « un déficit de crédibilité du processus électoral et que le CEP aurait dû faire des gestes de transparence afin que le peuple ait confiance en le processus électoral, avant qu’il ne soit trop tard ».[31]
Le futur politique d’Haïti est déjà scellé
Mais, même s’il y va y avoir un deuxième tour entre les deux finalistes de l’élection présidentielle, le futur de la scène politique d’Haïti semble déjà scellé. L’élection législative de premier tour, et les élections locales d’Août ont reçus bien moins de couverture médiatique que l’élection présidentielle, mais elles ont également donné un avantage immense aux partis politiques pro-Martelly en ce qui concerne la composition future du Parlement.
Au sein de la Chambre des Députés, les partis pro-Martelly, ont gagnés 45 sièges d’un total de 93, et ils contrôlent près de 21 candidats qui sont en compétition au second tour de l’élection. Cela signifie que la coalition pro-Martelly sera probablement en capacité de contrôler 47 sièges, s’assurant ainsi une majorité dans la chambre des députés.[32] Au sein du Sénat, ce contrôle est moins important, mais il pourrait devenir plus important. La coalition pro-Martelly contrôle déjà 6 des 14 sièges déjà décidés, et pourraient gagner jusqu’à 9 sièges durant le second tour.[33] Les partis pro-Martelly pourraient gagner jusqu’à 12 des 20 sièges en jeu, si les résultats sont considérés comme définitifs.[34] Dix des 30 sièges sénatoriaux sont toujours occupés pour encore deux ans, avant d’avoir à être renouvelés, des sièges actuellement contrôlés par Inité (4 sièges), l’OPL (3 sièges), Steven Benoit’s Alternative (2 sièges) et 1 pour Fanmi Lavalas.[35]
Au travers des élections locales, le parti politique du Président Martelly, le PHTK, a également gagné 30 mairies, dont la capitale, Port-au-Prince, sur un total de 140 municipalités en jeu.[36]
Avec un tel contrôle du Parlement attendu, dans un pays parlementaire, les partis politiques pro- Martelly et leurs candidats pourraient être les grands vainqueurs de ces élections douteuses.[37]
Rejet des résultats
La plupart des candidats à l’élection présidentielle, en dehors de M. Jovenel Moise (successeur désigné du Président Martelly) ont rejetés les résultats des élections, y compris M. Jude Célestin, lui-même qualifié pour le second tour.[38] Ils dénoncent des fraudes massives, des allégations qui s’appuient sur des faits tenaces, avec de nombreuses omissions comme fondement. Ces candidats accusent les élections d’avoir été frauduleuses au travers de bourrage d’urnes, notamment du fait des mandataires de partis politiques qui pouvaient voter de nombreuses fois, mais aussi du fait de la façon de gérer les élections du CEP, et de la gestion des voix au comptage, comme nous avons pu l’expliquer.
Le 16 Novembre, un groupe de neuf candidats de l’élection du 24 Octobre ont rencontrés les membres d CEP et ont proposés un recompte des voix, par une commission de verification du vote indépendante, une proposition que le premier ministre, M. Paul Evans avait soutenu trois jours plus tôt.[39] Le CEP a rejeté cette option.[40]
Selon le Miami Herald, le candidat présidentiel et avocat Samuel Madistin qui est désormais le porte-parole du groupe ayant proposé ce recomptage par une commission indépendante, ne croit pas qu’un second tour soit possible dans la situation actuelle du fait des fraudes massives. Il a ainsi affirmé que « les mobilisations dans la rue vont continuer, et seront renforcés », en ajoutant que « nous nous dirigeons vers une situation particulièrement conflictuelle, ou personne ne peut prévoir ce qu’il va se passer. »[41]
Le défi est désormais, pour l’opposition, de rester unifier, et de boycotter les élections, de créer un fort mouvement social contre le résultat des élections. Comme l’a mis en valeur Robert Fatton, un expert politique d’Haïti de l’Université de Virginia, “si l’opposition demeure résolue et unie, alors le calendrier sera en danger et le gouvernement ainsi que la communauté internationale devront s’ajuster à la nouvelle réalité. Mais cette nouvelle réalité serait particulièrement chaotique.”[42]
Pour l’heure, Fanmi Lavalas ainsi que d’autres partis politiques et de nombreux activistes ont pris les rues au travers de manifestations massives et longues, qui continueront d’occuper l’agenda médiatique et politique en Haïti, et ce probablement jusqu’au 27 Décembre. La violence a également été au rendez-vous de cette agitation publique. Le 18 novembre, des milliers de manifestants ont pris les rues de Pétionville en réponse à l’appel pour un recompte indépendant des résultats, fait par 8 candidats présidentiels (Groupe des 8). Les manifestations ont été violemment dispersées par la police, et deux candidats présidentiels ont été blessés.[43]
Comme le décrit M. Fatton « il n’y a pas de chemin facile pour sortir de cette crise, mais il est certain que la communauté internationale va pousser les différents acteurs impliqués à accepter un second tour. »[44] L’OAS a appelé, le 26 octobre « tous les acteurs impliqués dans le processus électoral à agir de manière responsable dans les prochaines jours,» célébrant la « forte participation par rapport aux élections du 9 août, une tendance positive.»[45] Le leader de la mission d’observation électorale de l’OAS, Celso Amorin, ancien ministre des affaires étrangères, et de la défense du Brésil a mis en avant que « la mission de l’OEA a été témoin d’un nombre important d’amélioration [les élections du 25 octobre] par rapport à celle du 9 août.»[46]
Ces déclarations et ces soutiens sont en réalité bien loin de la réalité, et en complète contradiction avec l’expérience vécue et le ressentit des citoyens haïtiens.[47] ABC News a révélé il y a peu, qu’ « un sondage d’un groupe de recherche indépendant a trouvé que les électeurs sont profondément défiants vis á vis des résultats du premier tour de l’élection présidentielle en Haïti, […] lors d’un sondage à la sortie des bureaux de votes, 82% des votants ont adhérés à l’affirmation suivante « Pour autant que je peux voir, cette élection est juste, il n’y a pas de fraude ». Mais dans un sondage suivant les résultats des élections, la conclusion étaient en fait complètement opposées, et 90% des sondés étaient en opposition avec cette affirmation. »
Même si la communauté internationale et le Core Group ont reconnus ces élections, certains observateurs internationaux ne l’ont pas fait, tout en confirmant les doutes des candidats présidentiels et des citoyens haïtiens. Selon le Miami Herald, la National Lawyers Guild et la délégation de l’Association Internationale des Avocats Démocrates, ont, par exemple, mis en évidences des preuves accumulées qui montrent clairement des fraudes systématiques, de l’intimidation et de la confusion pour les électeurs, et dans certaines régions, une privation directe des droits civiques.[48]
Pierre Esperance le responsable de l’un des réseaux de défense des droits de l’Homme les plus importants en Haïti, qui a pu avoir accès au centre de comptage le jour du vote a déclaré au Miami Herald que « dans 97 pourcent à 98 pour cent des cas, il y a des fraudes massives et des irrégularités évidentes. » Il a également ajouté qu’il y avait eu des cas d’irrégularités qui se devaient à un manque d’entrainement, mais que certaines étaient si graves qu’il était évident qu’il s’agissait de quelque chose de planifier.[49] Dans son numéro du 3 Décembre 2015, The New Yorker a qualifié ces élections d’un triste déjà vu des élections frauduleuses du passé, mais que cette fois-ci, le Président Martelly était le responsable de ce système corrompu. [50]
Il est vrai que la participation a clairement augmentée, mais avoir plus de citoyens sortis pour voter, pour des élections douteuses, et lors d’un processus électoral corrompu, ce n’est pas travailler pour la démocratie, et pour des élections justes, mais à son encontre. Des élections justes n’ont pas eu lieu en Haïti depuis au moins une décennie désormais, et nous sommes les témoins, encore une fois d’un coup électoral.[51] Combien de temps cette situation peut-elle continuer ?
Écrit par Clément Doleac, Research Fellow au Conseil des Affaires Hémisphériques et Sabrina Hervé, contributeur invitée
Featured Photo: Secretary Kerry and Ambassador Mulrean Pose for a Photo With Haitian President Martelly and Haitian Prime Minister Paul (U.S. Department of State)
[1] DOLEAC Clément, “Dictatorship and Human Rights in Haiti,” in Council on hemispheric Affairs, on November 17, 2014. Consulted on https://coha.org/human-rights-in-haiti/ on December 7, 2015 ; DOLEAC Clément, « Elections on Hold in haiti : Stability versus Democracy » in Council on Hemispheric Affairs, on December 8, 2014. See more on https://coha.org/elections-on-hold-in-haiti-stability-versus-democracy/, Consulted on 11/23/2015.
[2] DOLEAC Clément, « Elections on Hold in haiti : Stability versus Democracy » in Council on Hemispheric Affairs, on December 8, 2014. See more on https://coha.org/elections-on-hold-in-haiti-stability-versus-democracy/, Consulted on 11/23/2015. ; Ricardo Seitenfus, a special representative for the OAS in Haiti, states that a secret ‘core group’ of foreign dignitaries sought to force the president of Haiti out of office in a clean-cut coup. He stressed that this core group also “engineered an intervention in Haiti’s presidential elections that year that ensured that the governing party’s candidate would not proceed to a runoff.” See the interview of Mr. Seitenfus in Dissent Magazine, with information cited again by CEPR here:http://www.dissentmagazine.org/online_articles/haitis-doctored-elections-seen-from-the-inside-an-interview-with-ricardo-seitenfus and here http://www.cepr.net/index.php/press-releases/press-releases/oas-insider-reveals-details-of-illegal-foreign-intervention-against-haitian-democracy
[3] Ibid.
[4] The 1987 Constitution mandated that transitional elections be administered by a provisional council (Conseil Electoral Provisoire) until a permanent electoral council (Conseil Electoral Permanent) could be established. 28 years later, Haiti has still not transitioned to that permanent election council. ; DOLEAC Clément, « Elections on Hold in haiti : Stability versus Democracy » in Council on Hemispheric Affairs, on December 8, 2014. See more on https://coha.org/elections-on-hold-in-haiti-stability-versus-democracy/, Consulted on 11/23/2015. ; “Un décret électoral en guise de loi électorale, le CEP s’y met…” in Le Nouvelliste, on February 5, 2015. Consulted on http://lenouvelliste.com/lenouvelliste/article/141245/Un-decret-electoral-en-guise-de-loi-electorale-le-CEP-sy-met on December 7, 2015. ; “Haiti – Elections : The 9 members of the Provisional Electoral Council (CEP)” on Haiti Libri, on January 22, 2015. Consulted on http://www.haitilibre.com/en/news-13001-haiti-elections-the-9-members-of-the-provisional-electoral-council-cep.html on December 7, 2015
[5] Ibid.
[6] International Crisis Group, “Governing Haiti: Time for National Consensus”, Crisis Group Latin America and Caribbean Report No.46, 4 February 2013.
[7] Ibid.
[8] CHARLES Jacqueline, “U.S. wants to avoid one-man rule in Haiti” in Miami Herald, on January 8, 2015. Consulted on http://www.miamiherald.com/news/nation-world/world/americas/haiti/article5650584.html on January 12, 2015. ; AL JAZEERA, “Haiti political crisis persists despite deal » in Al-Jazeera, on January 12, 2015. Consulted on http://www.aljazeera.com/news/americas/2015/01/haiti-rival-leaders-seek-last-minute-deal-201511203231758694.html on January 12, 2015
[9] Ibid.
[10] Ibid.
[11] Haiti – Politic : « The El Rancho agreement, a crisis within the crisis… » on Haiti Libre, on March 31, 2014. Consulted on http://www.haitilibre.com/en/news-10832-haiti-politic-the-el-rancho-agreement-a-crisis-within-the-crisis.htmlon January 12, 2015. ; « Haiti Reaches Political Agreement For ‘Consensus’ Government » inTeleSur, on December 30, 2014. Consulted on http://www.telesurtv.net/english/news/Haiti-Reaches-Political-Agreement-For-Consensus-Government-20141230-0009.html on January 12, 2015. ; JOHNSTON Jake, WEISBROT Mark, “Haiti’s Fatally Flawed Election” in Center for Economy and Policy Research (CEPR), January 2011. Consulted on http://www.cepr.net/index.php/publications/reports/haitis-fatally-flawed-election, on December 04, 2014.
[12] Reuters, “Haiti’s parliament dissolved after last-ditch negotiations to avert crisis fail” in The Guardian., on January 13, 2015. Consulted on http://www.theguardian.com/world/2015/jan/13/haiti-parliament-dissolved-michel-martelly-crisis on January 14, 2015.
[13] A detailed timeline and history of the electoral law, from a legal perspective can be find here: http://www.ijdh.org/2015/01/topics/politics-democracy/ensuring-fair-elections-in-haiti-legal-analysis-of-recent-developments/ ; DOLEAC Clément, “The U.S. Government Supports a Haitian Return to a One-man-rule Regime” in Council on Hemispheric Affairs, January 14, 2015. Consulted on https://coha.org/the-u-s-government-supports-a-haitian-return-to-a-one-man-rule-regime/ on December 7, 2015.
[14] Haïti – Politique : « C’est fini, le rideau est tombé sur le Parlement… », Haiti Libre, on January 13, 2015. Consulted on January 13, 2015, on http://www.haitilibre.com/article-12934-haiti-politique-c-est-fini-le-rideau-est-tombe-sur-le-parlement.html
[15] Ibid.
[16] Center for Economic and Policy Research (CEPR), “U.N. and U.S. Blame Haiti’s Opposition for Delayed Elections, Ignore History”, in CEPR, on September 16, 2014. Consulted onhttp://www.cepr.net/index.php/blogs/relief-and-reconstruction-watch/un-and-us-blame-haitis-opposition-for-delayed-elections-ignore-history on November 24, 2014.
[17] Reuters, “Haiti’s parliament dissolved after last-ditch negotiations to avert crisis fail” in The Guardian., on January 13, 2015. Consulted on http://www.theguardian.com/world/2015/jan/13/haiti-parliament-dissolved-michel-martelly-crisis on January 14, 2015. The Prime Minister has been nominated at the end of December, and the parliament technically dissolve on January 12th, 2015, which made impossible the nomination.
[18] CHARLES Jacqueline, « Haiti elections officials refuse vote verification » in Miami Herald, on November 17, 2015. Consulted on http://www.miamiherald.com/news/nation-world/world/americas/haiti/article45281061.html on November 23, 2015.; CEPR http://www.cepr.net/blogs/haiti-relief-and-reconstruction-watch/an-analysis-of-the-october-25-preliminary-results ; https://coha.org/the-u-s-government-supports-a-haitian-return-to-a-one-man-rule-regime/
[19] DOLEAC Clément, “The U.S. government support a Haitian return to a One-man-rule regime” in Council on Hemispheric Affairs, January 14, 2015. Consulted on https://coha.org/the-u-s-government-supports-a-haitian-return-to-a-one-man-rule-regime/ on November 23, 2015.
[20] « An Analysis of the October 25 Preliminary Results” in Haiti, relief and reconstruction Watch on November 16, 2015. Consulted on http://www.cepr.net/blogs/haiti-relief-and-reconstruction-watch/an-analysis-of-the-october-25-preliminary-results on November 23, 2015.
[21] Ibid.
[22] Ibid.
[23] Ibid.
[24] CEPR, « Presidential Elections in Haiti: The Most Votes Money Can Buy”, on Haiti Relief and Reconstruction Watch, on November 3, 2015. Consulted on http://www.cepr.net/blogs/haiti-relief-and-reconstruction-watch/presidential-elections-in-haiti-the-most-votes-money-can-buy on November 23, 2015.
[25] Ibid.
[26] Ibid.
[27] Ibid.
[28] “Haiti Elections MONEY – How the 500 Million Gourdes will be Distributed” in Belpolitk, July 23, 2015. Consulted on http://www.belpolitik.com/blog/haiti-elections-money-distribution-500-million-gourdes.html on December 9, 2015.
[29] « CEP holdout breaks silence as election protests grow in Haiti” in Miami Herald, on November 12, 2015. Consulted on http://www.miamiherald.com/news/nation-world/world/americas/haiti/article44461698.html on November 23, 2015.
[30] Ibid.
[31] Ibid.
[32] « An Analysis of the October 25 Preliminary Results” in Haiti, relief and reconstruction Watch on November 16, 2015. Consulted on http://www.cepr.net/blogs/haiti-relief-and-reconstruction-watch/an-analysis-of-the-october-25-preliminary-results on November 23, 2015. ; Many results are still not definitive, as many candidates have been demanding a re-examination of the results, and are intenting legislative procedure against the results.
[33] Ibid.
[34] Ibid.
[35] Ibid.
[36] “Haiti’s ruling party wins big in municipal elections: results” in Jamaica Observer, onTuesday, November 17, 2015. Consulted on http://www.jamaicaobserver.com/news/Haiti-s-ruling-party-wins-big-in-municipal-elections–results on December 7, 2015.
[37] « An Analysis of the October 25 Preliminary Results” in Haiti, relief and reconstruction Watch on November 16, 2015. Consulted on http://www.cepr.net/blogs/haiti-relief-and-reconstruction-watch/an-analysis-of-the-october-25-preliminary-results on November 23, 2015. ; Following graphics are also coming from this CEPR article.
[38] CHARLES Jacqueline, « Haiti elections officials refuse vote verification » in Miami Herald, on November 17, 2015. Consulted on http://www.miamiherald.com/news/nation-world/world/americas/haiti/article45281061.html on November 23, 2015.
[39] Ibid ; CHARLES Jacqueline, “Haiti’s prime minister meets diaspora, supports vote verification” in Miami Herald, on November 14, 2015. Consulted on http://www.miamiherald.com/news/nation-world/world/americas/haiti/article44897373.html on November 23, 2015.
[40] Ibid.
[41] Ibid.
[42] Ibid.
[43] “Haïti-Élections : La police disperse violemment une manifestation de l’opposition » in AlterPresse, on November 18, 2015. Consulted on http://www.alterpresse.org/spip.php?article19223#.Vk8uWLerSM8 on November 23, 2015.
[44] CHARLES Jacqueline, « Haiti elections officials refuse vote verification » in Miami Herald, on November 17, 2015. Consulted on http://www.miamiherald.com/news/nation-world/world/americas/haiti/article45281061.html on November 23, 2015.
[45] “OAS Electoral Observation Mission to Haiti Recognizes Efforts of Authorities in General Elections” in Organization of American States, on October 26, 2015. Consulted on https://www.oas.org/en/media_center/press_release.asp?sCodigo=E-322/15 on November 23, 2015.
[46] Ibid.
[47] FOX Ben, “Many in Haiti Suspect Fraud in Recent Election, Poll Finds” in ABC News, on November 19, 2015. Consulted on http://abcnews.go.com/International/wireStory/haiti-suspect-fraud-recent-election-poll-finds-35295507 on November 23, 2015.
[48] CHARLES Jacqueline, “U.S. observers: Haiti’s presidential elections deeply flawed” in Miami Herald, on November 24, 2015. Consulted on http://www.miamiherald.com/news/nation-world/world/americas/haiti/article46196945.html on December 7, 2015.
[49] Ibid.
[50]DANTICAT Edwige, “Sweet Micky and the Sad Déjà Vu of Haiti’s Presidential Elections” in The New Yorker, on December 3, 2015. Consulted on http://www.newyorker.com/culture/cultural-comment/sweet-micky-and-the-sad-deja-vu-of-haitis-presidential-elections on December 7, 2015.
[51] “Thousands Gather in Haiti’s Capital to Protest Alleged Electoral Coup” in Atlantic Black Star, on November 12, 2015. Consulted on https://atlantablackstar.com/2015/11/12/thousands-gather-haiti-protest-haitis-electoral-coup/ on December 7, 2015. ; LEMOINE Maurice, “Latin American coups upgraded,” in Le Monde Diplo, on August 2014. Consulted on http://mondediplo.com/2014/08/06coups on March 3, 2015.